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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

La carte postale, d'Anne Berest

Publié le 13 Octobre 2021 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Octobre 2021, 

Dans l’univers de la littérature, du théâtre et des séries TV, Anne Berest est présente partout et elle sait tout faire. Elle a aussi l’esprit de famille. Après avoir écrit avec sa sœur Claire la biographie de son arrière-grand-mère Gabriële Picabia, elle reconstitue, dans La carte postale, la saga d’une famille disloquée par la Shoah, la sienne. Nourrie jusqu’alors aux valeurs des Lumières, elle est amenée par ce travail à s’interroger sur son identité profonde et sur la part qu’y tiennent l’inné et l’acquis.

L’élément déclencheur est une carte postale anonyme arrivée en 2003 au domicile de sa mère, Lélia. Quatre prénoms y sont griffonnés, Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques. Ce sont ceux des grands-parents de Lélia et de deux de leurs enfants. Leur nom était Rabinovitch. Ils ont été déportés et assassinés à Auschwitz en 1942. Ne figure pas sur la carte le prénom de leur fille aînée, Myriam, qui échappa aux rafles et donna le jour deux ans plus tard à Lélia.

L’élément déclencheur agit à retardement et en deux temps. Dix ans passent avant qu’Anne éprouve le besoin d’en savoir plus sur l’histoire de sa famille. Lélia lui dévoile ce qu’elle avait pu reconstituer de la vie des Rabinovitch en Russie, le mariage d’Ephraïm et d’Emma en 1919 à Moscou, la naissance de leurs enfants au cours des exils successifs en Lettonie, en Palestine, puis, à partir de 1929, en France, à Paris, où ils ont cherché à s’enraciner et à obtenir – en vain ! – la nationalité française.

Six ans passent encore. A la suite d’un propos banalement antisémite dans la cour de l’école de sa fille Clara, Anne Berest décide d’en savoir plus sur l’origine de la carte postale. Qui en est l’expéditeur ? Ses intentions étaient-elles malveillantes ? Elle consulte un détective privé qui lui inculque quelques méthodes d’investigation. Elle mène l’enquête sur le terrain, en Normandie, dans le village où les Rabinovitch possédaient une maison de campagne, là où la police est venue arrêter les enfants, et après quelques mois, les parents. Elle se rend en Provence, où Myriam, sa grand-mère, s’était réfugiée pendant la guerre et où elle s’était, plus tard, installée définitivement. Elle épluche les archives locales et les correspondances des témoins de l’époque, parmi lesquels René Char, grand Résistant.

Le propos antisémite rapporté par Clara évoque à Lélia un incident similaire vécu au même âge. Il rappelle aussi à Anne le trouble qu’elle ressentait enfant lorsqu’elle entendait le mot « juif », dont elle pressentait confusément qu’il la concernait. Elle prend pleinement conscience de sa judéité, une judéité sans religion qu’elle tient de sa mère, Lélia, qui la tenait elle-même de Myriam. Une judéité passée sous silence après la guerre, comme dans de nombreuses familles, et assumée aujourd’hui en mémoire de la Shoah. Une manière d’être juif qui en vaut bien une autre.

Le silence ! Il allait bien au-delà de l’occultation des origines. Dans La carte postale, les scènes de l’immédiat après-guerre à l’hôtel Lutetia montrent de façon oppressante l’impossible communication entre les déportés de retour et la population qui les accueille. Le ton est donné. Pour la plupart, les survivants préfèreront taire ce qu’ils ont vu et subi. La crainte qu’on ne les croie pas et, à l’égard des disparus, comme une forme de honte d’en avoir réchappé…

Aujourd’hui, les témoignages existent, on ne compte plus les livres et les films qu’ils ont inspirés. Mais quatre-vingts ans auront bientôt passé. Les témoins vivants sont de moins en moins nombreux. Pour continuer à transmettre la mémoire, il faudra en reconstituer les fils rompus par les silences, recréer la psychologie des personnages, imaginer ce qui a relié deux événements établis.

En romancière accomplie, Anne Berest montre le chemin : le parcours romanesque tragique des Rabinovitch, le roman d’une enquête qui est aussi une quête personnelle. L’auteure écrit avec sobriété, sans pathos inutile puisque les faits, racontés au présent, en appellent suffisamment à l’émotion. En structurant un plan en quatre livres intelligemment ordonnancés, elle a su éviter la complexité à laquelle aurait pu mener la richesse des sujets traités. La carte postale est un ouvrage incontournable, qui m’a captivé comme un thriller.

GLOBALEMENT SIMPLE   ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT

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