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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Les raisins de la colère, de John Steinbeck

Publié le 2 Avril 2021 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Avril 2021,

Considéré comme le chef-d’œuvre de l’écrivain américain John Steinbeck (1902-1968), Les Raisins de la colère est l’un des romans les plus célèbres de tous les temps. Publié en 1939, il a été porté à l’écran dès l’année suivante par John Ford, avec Henri Fonda dans le rôle principal. Le livre et le film ont multiplié les prix et les récompenses.

Dans l’Oklahoma, les terres des Joad ne rapportent rien et ne permettent plus à cette famille de métayers impécunieux de rembourser leurs emprunts bancaires. Ils sont expulsés. Que vont-ils devenir ? Des prospectus circulent, en provenance de Californie, vantant l’offre abondante d’emplois agricoles et la douceur de la vie quotidienne. Tentant !... Les Joad décident de s’exiler, ils ramassent ce qui est essentiel, bradent le reste pour une poignée de dollars et prennent la route à douze ou treize dans une vieille camionnette surchargée.

Ils ne sont pas les seuls. Tout au long des années trente, sous l’effet de ce qu’on a appelé la Grande Dépression, aggravée par la sécheresse et les tempêtes de sable, plusieurs centaines de milliers de paysans ruinés du Midwest s'engagent dans la même direction, dans l’espoir de trouver un job sur une terre et de pouvoir vivre de leur travail. Leur exode vers une terre promise tournera au cauchemar. Les grands propriétaires agricoles profitent de l’offre massive de main d’œuvre à la journée, pour renégocier sans cesse et abusivement les rémunérations à la baisse, en deçà même de ce qui est nécessaire aux familles pour juste survivre, n’hésitant pas à mobiliser des milices armées et brutales pour se protéger d’éventuelles rébellions.

Une manière pour John Steinbeck de se positionner en écrivain engagé, à l’instar d’un Dickens, d’un Hugo, d’un Zola, et de dénoncer à la fois les méfaits de l’industrialisation sur les métiers traditionnels et les travers d’un capitalisme extrême, dont aucune règle sociale ne limite la sauvagerie. Très imprégné de mythes bibliques, l’ouvrage met en valeur l’esprit de solidarité qui apparaît spontanément entre les familles les plus démunies et met l’accent sur l’humanisme et la dignité des personnages principaux.

Dans Les Raisins de la colère, les aventures dramatiques de la famille Joad alternent avec des chapitres contextuels non narratifs. Ce sont des pages de documentaires historiques ou de commentaires politiques, parfois véhéments. Certains de ces chapitres se présentent sous forme de reportages sociaux, élaborés autour de dialogues fictifs écrasants de naturel ; d’autres ont une tonalité de conte philosophique. Ces textes enrichissent avec pertinence la partie narrative, dans des décors contrastés de bidonvilles sordides, de paysages immenses et de ciels changeants, que l’auteur connaissait bien.

Elevé en Californie, Steinbeck avait vécu à proximité de travailleurs agricoles migrants. Il a dépeint leurs comportements et leurs façons de parler avec un réalisme si saisissant, que lors de ma première lecture du roman, il y a trente ou quarante ans, je m’étais senti totalement embarqué dans la descente aux enfers poignante et sans fin des Joad. L’espoir, l’angoisse, la désolation, jusqu’aux larmes qui m’avaient échappé dans les dernières pages.

Peut-être n’aurais-je pas dû relire le roman et garder intact le souvenir que j’en avais. Avec l’âge, on prend du recul sur les histoires dramatiques, même quand le rythme épique est trépidant. L’authenticité des péripéties et celle des personnages ne sont pas en cause. L’indignation est légitime, la compassion naturelle, le respect évident, mais les leçons que l’on en tire ne mènent qu’à des vœux naïfs. Les transformations du monde creusent des fossés entre le moyen-âge d’un côté, la modernité prospère de l’autre. Drames de tous les siècles et de tous les continents, tragédies sociales et familiales renouvelées. C’est l’histoire de l’humanité.

Des histoires captivantes que l’on ne doit pas oublier. Et heureusement, de grands écrivains sont là pour les fixer pour l’éternité.

DIFFICILE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT

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