Février 2021,
Soixante ans après sa mort, Boris Vian reste ancré dans la légende de Saint-Germain-des-Prés et de ses cabarets, où il se produisit comme trompettiste de jazz. Il est surtout connu par ses romans (l’Ecume des jours, L’Arrache-cœur) et par ses chansons (Le Déserteur). En 1950, cet artiste touche-à-tout imagina le synopsis d’un roman policier, dont il écrivit les quatre premiers chapitres… avant de passer à autre chose et de laisser l’ouvrage en chantier.
En 2020, à l’occasion du centenaire de sa naissance, un collectif d’écrivains membres de l’OuLiPo (*) écrit douze autres chapitres, achevant un roman fidèle au synopsis d’origine et dans l’esprit « série noire » voulu par Vian. Il lui donne pour titre On n’y échappe pas, une phrase jetée par l’auteur dans ses notes.
Le livre apparaît comme l’adaptation française d’un roman américain de série noire des années cinquante, cette version originale, faut-il le dire, n’existant pas. Boris Vian en connaissait bien le format, car il avait traduit des polars (réels) de Raymond Chandler. Il n’en était pas à son coup d’essai et avait déjà écrit plusieurs pastiches de romans noirs sur le même modèle, les présentant comme les traductions françaises des ouvrages d’un auteur américain fictif nommé Vernon Sullivan, parmi lesquels le fameux J’irai cracher sur vos tombes, qui fit scandale en 1946.
Dans On n’y échappe pas, un officier américain qui rentre au pays en décembre 1950 après avoir perdu une main en Corée, découvre que ses anciennes petites amies sont sauvagement assassinées les unes après les autres. On peut qualifier le livre de « thriller vintage », comparable aux séries noires classiques de cent soixante pages de l’époque. Des meurtres sanglants, un privé qui mène l’enquête, une policière séduisante, un machisme cru, un coupable inattendu… et une fin radicale un peu surprenante.
J’ai pris beaucoup de plaisir à la lecture d’On n’y échappe pas, dont l’humour, les traits d’esprit, les jeux de mots et les références incongrues m’ont enchanté.
(*) L’OuLiPo, Ouvroir de la Littérature Potentielle, est une association inspirée par le surréalisme. Ses membres décrivent un monde fondé sur le langage, quitte à le rendre absurde ou extravagant. Ils se posent en héritiers d’Alfred Jarry et de son concept de Pataphysique. Boris Vian fut lui-même pataphysicien, une lignée qui compta des artistes aussi divers que Marcel Duchamp, Man Ray, Jacques Prévert, Eugène Ionesco, Raymond Queneau, Georges Perec, ou encore Hervé Le Tellier, l’actuel président de l’OuLiPo, récent lauréat du prix Goncourt pour L’Anomalie.
FACILE oooo J’AI AIME BEAUCOUP