Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Mémoires d'Hadrien, de Marguerite Yourcenar

Publié le 27 Février 2021 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Février 2021,

La publication en 1951 des Mémoires d’Hadrien fut pour Marguerite Yourcenar (1903-1987) le couronnement d’un travail qui s’était étendu sur plus de vingt-cinq années. Cette romancière et poétesse française, première femme élue à l’Académie française, s’était intéressée très tôt au personnage d’Hadrien, qui régna sur l’Empire romain entre les années 117 et 138.

Sa curiosité pour un empereur qu’on qualifierait de nos jours d’humaniste et de globe-trotter tourna à la fascination lorsqu’elle prit la mesure d’une phrase de Flaubert : « Les dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été ». Pour Marguerite Yourcenar, Hadrien fut typiquement cet homme seul, libre encore de tout dogme et délivré de la crainte que le ciel ne lui tombe sur la tête.

Tout en menant un travail érudit et exhaustif de documentation nécessitant de lire couramment le latin et le grec ancien, Marguerite Yourcenar s’est longtemps interrogée sur la forme qu’elle donnerait à ce qui s’apparente à un roman historique. Elle a choisi de laisser s’exprimer Hadrien. L’ouvrage n’est toutefois ni une autobiographie ni un journal. Il se présente comme une très longue lettre (trois cents pages) écrite par l’empereur quelque temps avant sa mort, qu’il sentait venir, et destinée à ceux qui seront appelés un jour à la tête de l’Empire. L’écrivaine historienne s’est alors effacée, identifiée au personnage, insérée dans l’époque, afin de voir, d’entendre, et de penser comme si elle était Hadrien.

Hadrien revient sur ses années de formation, ses premières responsabilités, son ascension vers le pouvoir dans le sillage de Trajan, un empereur guerrier et conquérant, qui le désigna comme son successeur sur son lit de mort. D’esprit tolérant, ouvert aux idées extérieures, Hadrien mit un terme à la politique expansionniste de son prédécesseur, se déplaçant aux quatre coins de l’Empire afin d’en pacifier les territoires, d’y développer l’économie et d’agréger les cultures des peuples à la civilisation romaine. A la fin de son règne, il échoua cependant en Judée, où les zélotes, réfractaires à toute remise en cause de leurs pratiques, le contraignirent à une guerre impitoyable et funeste.

Sage, clairvoyant, conscient de ses responsabilités, il a travaillé au progrès de l’humanité et des sociétés, a modernisé les lois, tout en restant lucide et stratège sur les obstacles et les menaces, n’hésitant pas à frapper fort si nécessaire. Lettré, poète, amateur d’art, captivé par l’histoire grecque et l’antiquité égyptienne, il fit construire des cités modernes, des temples, des bibliothèques et la fameuse Villa Hadrienne, à Tivoli, non loin de Rome. « Je me rendais responsable de la beauté du monde, je voulais que les villes fussent splendides », écrit-il.

Dans sa vie privée, Hadrien fut un amoureux passionné. Des femmes, et surtout de jeunes garçons en quantité, un usage politiquement correct à l’époque. Parmi ces éphèbes, son favori, Antinoüs, que sa mort mystérieuse par noyade dans le Nil éleva au rang de divinité.

Sous la plume prêtée à Hadrien par Marguerite Yourcenar, la syntaxe est parfaite. Le langage est simple, fluide, en dépit de nombreux noms propres – personnages, lieux – et de mots inusuels désignant des objets ou des pratiques du IIe siècle. Hadrien raconte au passé simple son parcours d’empereur. C’est une longue, très longue narration, développée sur un ton si uniforme que la lecture en devient par moment monotone. Mémoires d’Hadrien n’en reste pas moins un prodige de virtuosité littéraire et un éclairage passionnant sur l’apogée de l’Empire romain.

A la fin de sa vie, Hadrien, malade, se montre désabusé, fataliste, tout en restant globalement optimiste. « Le désordre triomphera, mais de temps en temps, l’ordre aussi… Les mots de liberté, d’humanité et de justice retrouveront çà et là le sens que nous avions tenté de lui donner ». Une vision éclairée, des propos qui sonneraient juste aujourd’hui. De quoi à la fois espérer et désespérer de l’espèce humaine.

DIFFICILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

Commenter cet article