Janvier 2021,
Né en Algérie, Yasmina Khadra vit en France depuis 2001. Son pseudonyme, constitué des deux prénoms de son épouse, lui avait permis de se lancer dans l’écriture en se protégeant de la censure militaire, à une époque où il était encore officier dans l’armée algérienne. J’avais lu et beaucoup apprécié deux de ses romans, les plus renommés parmi la vingtaine qu’il a écrits, L’Attentat et Ce que le jour doit à la nuit.
Dans Le Sel de tous les oublis, il se penche sur le rapport de l’homme et de la femme, dans une société qui est bien loin de remettre en question ses traditions patriarcales. La fiction se passe en 1963, dans l’Algérie rurale. L’indépendance est toute récente. Le pays sort d’une guerre douloureuse et rêve naïvement de lendemains qui chantent.
Dans une première partie, le livre raconte la dérive d’Adem, un homme jeune, à qui son épouse vient d’annoncer qu’elle a un amant et qu’elle le quitte. Cela faisait des années que cet instituteur ne s’intéressait plus vraiment à elle, qu’elle n’était plus qu’un accessoire ménager, mais il n’avait jamais imaginé le scénario d’un tel départ. Anéanti, incapable de supporter le regard des autres, il laisse tomber son métier et abandonne la petite maison à laquelle ses fonctions d’enseignant lui donnaient droit. Sans argent et muni d’un maigre baluchon, il s'en va, droit devant lui, à la recherche de… il ne sait pas vraiment quoi !
En ville, il fréquente les bars, tombe dans l’alcoolisme, se fait tabasser, dépouiller et découvre l’enfermement parmi un monde de pauvres bougres. Il part ensuite dans le maquis et fait sur son chemin des rencontres étonnantes, des personnages marginaux, folkloriques, dont un nain disgracié philosophe. Tous l’abreuvent de conseils positifs, de recommandations optimistes, mais il n’écoute pas. Tombé dans la plus grande précarité, il dort dans des grottes et ne survit que grâce à la générosité des personnes qu’il croise ; des actes de bienveillance spontanée qu’il ne sollicite pas et auxquels il se refuse même, en retour, à témoigner de la reconnaissance par un minimum de civilité. Il ne répond pas aux questions, rejette les approches amicales, préfère cultiver sa solitude pour mieux ruminer son sort personnel.
Dans la seconde partie du roman, il est hébergé par un homme handicapé et son épouse. Il accepte de leur rendre un service en échange du gîte et du couvert. Après son parcours initiatique douloureux, cette rencontre est l’occasion d’une rédemption, avec le risque de retomber dans ses vieux démons...
La narration change alors de rythme et cesse de traîner son allure lénifiante de conte philosophique, pour devenir réellement captivante. Adem va se trouver, sans le moindre état d’âme, aux prises d’un côté à des imams accrochés à une vision archaïque de la société, de l’autre à des fonctionnaires corrompus, avides ou lâches, prêts à abuser de leur pouvoir récent dans une Algérie indépendante. Mais sur le plan personnel, Adem a-t-il intégré le bon comportement à adopter face à une femme ?
L’écriture est parfaite, il n’y a rien à en redire, si ce n’est qu’elle est presque un peu trop lisse, un peu gentillette, comme le sont aussi les vers dont le titre est extrait. Le Sel de tous les oublis est un livre agréable à lire, mais une fois ses pages évaporées dans les oubliettes du temps, je garderai surtout de Yasmina Khadra le souvenir des deux romans que je mentionnais au début de cette chronique.
FACILE ooo J’AI AIME