Novembre 2020,
Cédric Charles Antoine n’est pas un écrivain comme les autres. Autrefois agent immobilier, ce quadragénaire a changé de mode de vie en se lançant, il y a six ans, dans l’écriture de romans. Il en assure lui-même l’édition, un travail à temps plein mené avec son épouse, selon une stratégie qu’il a finement élaborée et à laquelle il se tient avec constance.
Une stratégie qui repose sur l’écriture et la publication d’un livre par trimestre ; un rythme effréné qui exige beaucoup d’énergie et grâce auquel il s’est constitué un lectorat fidèle, une clientèle qui le suit et s’est attachée à lui. Autre élément stratégique, la publication exclusive sur Amazon / Kindle ; il en juge les algorithmes comme le meilleur atout promotionnel possible pour un auteur indépendant.
Il s’agit donc d’un processus totalement intégré d’écriture-édition-publication. Une démarche novatrice, qui semble marcher et durer. Bravo !
Je me suis intéressé à Cédric Charles Antoine, parce que des amies m’avaient conseillé l’un de ses romans, La petite Hongroise au manteau vert, publié début 2019. Après avoir salué l’approche professionnelle de l’auteur, voilà l’occasion de me faire une opinion sur ses qualités littéraires.
… J’aurais aimé aimer ce livre, si je puis m’exprimer ainsi.
La fiction imaginée par l’auteur met en scène deux femmes, en 2010, sur un bateau de croisière qui remonte le Danube. En fond de plan, l’histoire de la Hongrie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et les événements tragiques qui l’ont marquée.
Anna rentre à Budapest, après vingt ans passés à Belgrade. Née dans les années trente au sein d’une famille d’aristocrates hongrois, elle a vu les siens outragés et dépossédés de leurs terres en 1946, lors de la prise de pouvoir des communistes, sous l’égide de l’URSS. Dix ans plus tard, Anna est en première ligne pendant l’insurrection populaire contre le régime, avant qu’elle ne soit écrasée par plusieurs centaines de chars soviétiques. La répression sera implacable et sanglante : procès expéditifs, exécutions arbitraires, emprisonnements expérimentaux. Anna vivra des moments très difficiles, qui se rappelleront incidemment à elle une trentaine d’années plus tard.
Viky, une jeune journaliste hongroise, fait la connaissance d’Anna dès son embarquement. En dépit de leur différence d’âge, les deux femmes sympathisent. Viky semble vouloir en savoir toujours plus sur le passé d’Anna, laquelle ne peut s’empêcher de lui raconter sa vie. Mais est-ce vraiment le hasard qui les a fait se rencontrer ?
Il y avait là matière à faire un roman historique intéressant et captivant. Dommage de devoir se contenter d’une construction un peu paresseuse. Au lieu d’être intégrés subtilement dans le corps du roman, en contrepoint sous forme de flashbacks, les mésaventures historiques vécues par Anna font l’objet de chapitres dédiés, baptisés avec une solennité un peu précieuse « livre des événements », et constituant une narration intégralement indépendante.
Dans ces chapitres-là, une prose ampoulée, pseudo-savante et redondante, s’attarde à développer sur plusieurs pages ce qu’on comprend dès la première, avec parfois des mots surprenants, mal adaptés, dissonants. A l’inverse, j’ai trouvé creux et insipides les dialogues des deux femmes. Des travers dans lesquels on peut tomber quand on écrit trop facilement et qu’on laisse sa plume ou son clavier bavarder, comme certaines gens qui parlent indéfiniment sans s’arrêter.
Le livre, un peu décevant, n’est pas vraiment déplaisant. Disons que ses défauts sont la conséquence structurelle de la stratégie productiviste de l’auteur.
FACILE oo J’AI AIME… UN PEU