Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Betty, de Tiffany McDaniel

Publié le 27 Septembre 2020 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Septembre 2020,

En dépit des quelques épisodes tragiques ou révoltants racontés par Betty, ce livre est une bénédiction, une évasion dans un monde enchanté pas forcément enchanteur, une tisane magique à l’instar de celles que son père, Landon Carpenter, concocte pour les gens du voisinage.

Les parents de Betty auront eu huit enfants, dont deux sont déjà morts et enterrés lorsqu’elle naît en 1954. L’histoire commence bien avant, à la fin des années 30, par la rencontre insolite d’Alka et de Landon, puis par leur décision non moins insolite de se marier. Alka est une toute jeune fille issue d’une famille de petits Blancs établie dans le sud de l’Ohio. Landon, plus âgé, est de parents Cherokee et cela se voit sur son visage.

Après quelques années d’errance, les Carpenter, qu’il faut bien qualifier de famille marginale, s’installent à Breathed, un village en bordure d’une forêt luxuriante, dans une maison délabrée mise à leur disposition par son propriétaire, un original portant son poids de malheur et ami d’enfance de Landon. Insolite sera la vie qu’ils y mèneront.

J’ai dit insolite, comme c’est bizarre ! Il faut pourtant savoir que le sud de l’Ohio n’est pas le sud du paradis, à moins d’avoir la tête dans les étoiles, comme Landon, qui s’efforce d’amener Betty à ne jamais omettre de contempler le ciel. Car dans leur vie de tous les jours, le père et sa fille qui lui ressemble trait pour trait sont en butte au racisme endémique de certains habitants du village. Ils entendent des commentaires aussi bêtes que méchants, inspirés de clichés de westerns et de bandes dessinées.

Alors pour surmonter les meurtrissures quotidiennes de l’âme, pour oublier aussi les privations matérielles et évacuer la tristesse de l’absence d’espérance, rien de tel que les contes merveilleux, les mythes cherokees que Landon réinvente pour ses enfants et qui susciteront la vocation d’écrivain de Betty.

Mais les jolies histoires ont un temps. En passant de l’enfance à l’âge adulte tout au long des sept cents pages du roman, Betty verra la lumière de son père décliner peu à peu. Elle découvrira que personne dans la famille ne peut s’affranchir de démons intérieurs ou de secrets effroyables dont il faut supporter le poids.

Landon Carpenter, un père aimant à l’imagination infinie, connaît la nature mieux que quiconque, mais il peine à s’insérer dans la société et ce n’est pas que la faute des autres. Alka, une mère imprévisible et perturbée, est toujours à la recherche d’un équilibre d’adulte. Landon, son fils aîné, est aussi le fils de son père. La douce, trop douce Fraya lutte contre le manque d’air. Flossie, jolie et virevoltante, croit à un destin hollywoodien. Trustin, le petit garçon calme qui dessine des orages au fusain, avait tout pour devenir un artiste. Et Lint, qui parle en hachant les mots, donne aux cailloux des yeux qui permettent de voir les démons.

Betty, la petite Indienne, est la seule de la fratrie à devoir assumer son héritage cherokee. Elle rêvera longtemps de devenir blanche et blonde, comme sa mère et ses sœurs. Les drames et les révélations la conduiront à mettre fin à ses chimères d’enfant, à prendre conscience des talents transmis par son père et à chercher dans l’écriture le sentiment d’accomplissement de soi, qui lui permettra de « refuser l’ambition de la haine »

Tiffany McDaniel est une jeune romancière et poétesse d’origine cherokee. Elle s’est inspirée de la vie de sa mère pour écrire le roman de Betty. Son écriture est d’une fluidité envoûtante. Son vocabulaire est d’une richesse poétique sans cesse renouvelée. La traduction de François Happe mérite d’être saluée, car le texte français est si naturel qu’il donne l’impression d’être l’original. Et l’on sait pourtant comme il est difficile de transposer le langage parlé populaire d’outre-Atlantique.

Un très grand livre, à la portée de tous.

GLOBALEMENT SIMPLE  ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT

Commenter cet article