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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Le Grand Art, de Léa Simone Allegria

Publié le 10 Juin 2020 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, lecture, romans

Juin 2020,

Le Grand Art. J’avais repéré ce titre sur les sites littéraires lors de sa parution, courant mars. Sa couverture et le résumé m’avaient séduit. Après l’avoir lu, quelques semaines plus tard, je me suis étonné de n’en voir, sur les mêmes sites, qu’un tout petit nombre de critiques. Sans aucun doute, la conséquence directe de la fermeture des librairies et de la mise en sommeil des maisons d’édition pendant la période de confinement, car le livre m’a tout simplement enthousiasmé.

C’est le deuxième roman d’une jeune femme, Léa Simone Allegria, que des études de lettres et d’histoire de l’art n’ont pas empêchée d’être bien branchée dans son époque. Elle a défilé pour des marques de mode prestigieuses et a aussi créé une galerie d’art en ligne.

 

Le livre est bardé de références historiques et culturelles de haut niveau, mais qu’on ne s’y méprenne pas, Le Grand Art est en fait un polar. Et quel polar !... Grandiose. Il plonge le lecteur dans l’univers de l’Art, des Antiquités, de leur négoce... et de leurs mauvaises pratiques. Cherchez le(s) coupable(s) ! Pas évident, quand tous les personnages ont leur face sombre.

 

Le personnage principal, Paul Vivienne, est un commissaire-priseur sur le retour, nostalgique de sa splendeur passée, mis à l’écart dans une société de ventes qui s’efforce d’évoluer avec les technologies d’aujourd’hui. La culture de ce professionnel mondain est à la hauteur de son cynisme, immense. A l’occasion d’une succession à liquider dans un château en Toscane, survient l’envie d’un dernier coup d’éclat, la perspective d’un ultime show, marteau en main.

 

Pièce maîtresse de la collection à vendre : un retable, très ancien, trouvé dans la chapelle du château. Une Vierge à l’Enfant et au rouge-gorge. Pas enthousiasmant, mais on ne sait jamais. Pour identifier l’artiste et dater l’œuvre – qui pourrait valoir une fortune… ou pas –, on devra compter sur la conclusion scientifique, établie en laboratoire, et sur le jugement de l’expert(e), fondé sur son œil, son savoir et son intime conviction. Et justement, quelque chose ne colle pas. On ne peut pas être en même temps à la fin du Moyen Age et au début de la Renaissance, comprenez-vous ?... Je ne suis pas clair ? C’est exprès. Si vous voulez connaître « la vérité » et savoir comment l’énigme se résout, lisez le livre. Certains personnages ne manquent pas d’imagination. Léa Simone Allegria non plus.

 

La révélation se poursuit par une remise à plat complète de ce que l’on savait du Quattrocento… Au Louvre, c’est la folie. Les likes explosent sur Instagram. La frénésie gagne New York, le MET, où Madonna et Jean-Paul Gaultier sont de la partie. C’est du délire !

 

La lecture offre des moments saisissants : la vente aux enchères, le procès final, avec des rebondissements dignes d’un thriller. Mais aussi des moments plus intimistes : Paul découvrant le retable, l’examinant et se laissant porter par son imagination et ses souvenirs. Ou une décoiffante fête de funérailles, où Franz Liszt cède la place à un « I Will Survive en version lounge »

 

Les personnages sont admirablement brossés, criants d'authenticité, surtout les femmes, Gabrielle et Marianne (… Et Paul qui croyait tout maîtriser !). Le rôle et l’attitude des experts sont analysés avec finesse. Leur parole revêt un caractère de vérité absolue, mais les notions de rigueur, d’impartialité et de neutralité ne pèsent pas lourd devant les égos ou les intérêts.

 

Le parti d’écriture, original, donne du rythme, mais il n’est pas toujours facile à suivre. On passe sans crier gare de la narration classique au monologue et à l’empilage de monologues. L’auteure donne la parole à tout le monde, y compris à des personnages insignifiants, pour des commérages. On a aussi droit aux digressions et aux fantasmes des personnages importants, qui n’en sont pas moins humains. Une tendance à l’ellipse dans la narration contraint le lecteur à quelques efforts pour tout boucler. Normal ! Ce sont les personnages qui racontent et un personnage ne raconte que ce qu’il veut.

 

La fiction, audacieuse, s’appuie sur une documentation abondante et passionnante. C’est du grand art. L’humour ne manque pas, au premier et au deuxième degré. Un sacré talent. J’ai été embarqué. Elle embarquerait n’importe qui.

 

DIFFICILE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT

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