Avril 2020,
On me demande souvent comment je choisis mes lectures. C’est parfois en survolant les sites littéraires. J’avais trouvé attractive la quatrième de couverture de Rouge tango et noté beaucoup de critiques élogieuses. Après avoir refermé le livre, je ne me sens pas complètement à l’unisson et je le regrette, parce que le parcours de l’auteur, Charles Imbert, est original et sympathique.
Cadre dirigeant d’une compagnie d’assurances, il décide un jour de changer son mode de vie, quitte la ville et s’installe dans une cabane au bord d’un étang près de Montpellier. Là, il se reconvertit dans une activité artisanale et, en même temps, se lance dans l’écriture d’une série de romans mettant en scène les mêmes personnages. Publié début 2020, Rouge Tango est son deuxième opus. On peut tout à fait le lire, comme je l’ai fait, sans être passé par le premier, Bleu Calypso.
Le livre est en parfaite harmonie avec le parcours de son auteur. J’ai particulièrement apprécié les passages de ce que les Américains appelleraient nature writing. La plume de Charles Imbert est subtile et restitue avec justesse les couleurs et les fluctuations des eaux, du ciel, de la flore, des oiseaux. Elle réussit à transmettre son enthousiasme pour la beauté des éléments sauvages et l’on voit bien que son lyrisme prend source au plus profond de son être.
Le personnage principal, Niels Hagen, est un double de l’auteur. Comme lui, il a largué les amarres pour vivre dans une cabane de pêcheur dans le sud de la France ; comme lui, il est devenu artisan, en l’occurrence créateur de leurres pour la pêche, qu’il commercialise sur Internet.
Jusqu’où le caractère autobiographique de l'ouvrage se prolonge-t-il ? L’auteur brosse avec brio les états d’âme de Niels, ses tourments, ses bouderies, et aussi ses rêves étranges. Les analyses sont d’autant plus percutantes, qu’elles sont rapportées par Niels lui-même, narrateur du roman, qui reconnaît donc ses propres tendances à se renfermer sur soi, ses difficultés à communiquer et à saisir l’évolution du monde. Autothérapie ou pas, les mots sonnent juste.
A la différence de l’auteur, Niels n’est pas écrivain, sa particularité est de se retrouver mêlé à des meurtres crapuleux : Rouge Tango prétend appartenir au genre du roman policier.
C’est là, à mon avis, que le bât blesse. Le casting fait la part des gentils et des méchants, et comme dans certaines séries télévisées, il est patent qu’il n’arrivera rien aux gentils et que les méchants seront punis. L’intrigue policière se résume alors à une suite de traques et de traquenards, où chasseurs sont en même temps gibiers et vice versa. Je ne conteste pas l’effet page turner de ces péripéties violentes, mais elles sont peu crédibles et difficiles à interpréter. Ce n'est qu'à la fin du livre qu'on en obtient l'explication, sous la forme d’aveux complets qui n’apportent plus rien à ce stade de la lecture… Est-ce cela qu'on nomme un polar doux ? A moins qu’il ne s’agisse d’un pastiche de polar.
Autour de Niels, les personnages sont en cohérence avec l’environnement et avec les rôles qui leur sont assignés. Une bande de copains qui m’évoque la littérature de ma préadolescence : la très belle et dynamique Lizzie au « regard scalpel » ; Vieux Bob et sa « tignasse blanche de vieux lion » ; le capitaine Malkovitch au « visage fripé de moine tibétain ». Sans oublier Paddy, un colosse à la gueule taillée à la serpe, héritier d’une vieille tradition nomade irlandaise. Des bons vivants. Sans avoir eu assez de doigts pour faire le compte des huîtres dégustées et des bouteilles éclusées, je rends hommage à leur coup de fourchette et à leur descente. En revanche, je suis réservé sur les dialogues, dont certains s’étirent sans consistance, comme s’il fallait ajouter des lignes aux lignes.
Imprégnées de sérénité méditative, les trois cents pages de Rouge Tango se lisent très vite. A noter que l’auteur a réuni quarante haïkus – de très courts poèmes japonais –, placés en épigraphe de chaque chapitre. Il fallait le faire.
FACILE ooo J’AI AIME