Mars 2020,
Qui ne connaît pas La Servante écarlate ? Celles et ceux qui n’ont pas lu le best-seller de Margaret Atwood, publié il y a trente-cinq ans, ont pu suivre les épisodes d’une série télévisée à succès. Etonnant, comme le public a pu être fasciné par la morbide vie quotidienne en la république de Gilead ! Rappelons que cette société imaginaire a été fondée sur des principes « utopiques » de pureté des mœurs, par des fanatiques religieux fondamentalistes, en réaction à la décadence d’une société libérale. Une vision idéalisée, une utopie, qui a tourné à la dystopie, au cauchemar.
La nécessité de lutter contre une baisse générale de la fertilité avait conduit les autorités de Gilead à faire de la natalité une priorité nationale, à structurer la population féminine en catégories prédéfinies, certaines femmes étant dès lors confinées dans un rôle d’esclaves pondeuses, identifiables à leur longue robe rouge. La constitution prévoyait aussi que le pouvoir autocratique des hommes s’appuierait sur les Tantes, un corps exécutif de femmes disposant de moyens illimités pour faire respecter l’ordre.
Pourquoi fallait-il une suite à la Servante écarlate ? Une demande générale des lectrices et des lecteurs, selon l’auteure. Ou plutôt un coup d’édition finement conçu, inspiré par la pratique du monde du cinéma pour les films ayant rencontré un succès populaire bien senti. Les Testaments seraient alors une sorte de La Servante écarlate 2.
Lectrices et lecteurs retrouveront donc la république de Gilead, rebaptisée inutilement Galaad, menacée à son tour par une perversion de ses mœurs et une dégradation de ses institutions. L’auteure a choisi de confier la narration à trois personnages féminins, dont deux jeunes filles, l’une élevée à Galaad selon les plus stricts principes du régime, l’autre élevée au Canada, le pays voisin et ennemi juré, dans une famille libérale complotant pour la destruction de la dictature théocratique.
La troisième narratrice n’est autre que Tante Lydia, une vieille connaissance, à qui son ancienneté et sa personnalité confèrent une autorité naturelle sur les autres Tantes. Elle est à la fois l’inspiratrice spirituelle, la tête pensante et le bras séculier d’un régime pourtant au service de quelques hommes. Il faut dire que l’homme le plus puissant de Galaad, le Commandant Judd, qui fut autrefois le leader des Fils de Jacob, la secte de fanatiques à l’origine de chute des États-Unis et de la création de l’actuelle république, est devenu un vieux poussah décrépi et corrompu, qui s’intéresse avant tout aux jeunes filles à peine nubiles.
Le scénario de Les Testaments est léger et ressemble à un vague thriller d’espionnage pour enfants, avec des gentil(le)s et des méchant(e)s, dont il n’est pas facile de faire la part. Ciel ! Y aurait-il un traître ou une traîtresse à Galaad ?
Margaret Atwood parvient à étirer le roman sur cinq cents pages. J’ai eu le sentiment que des péripéties s’ajoutaient aux péripéties, parfois sans la moindre consistance, multipliant les redondances et les développements purement formels. Juste le souci de prolonger la narration. C’est particulièrement le cas dans les derniers chapitres, consacrés à l’évasion des jeunes héroïnes.
Mais le roman est remarquablement écrit (et traduit). C’est le propre des grands écrivains d’être capables d’écrire des lignes sans contenu, juste pour la beauté d’une image, pour le pittoresque d’une situation, pour la musique des mots. Margaret Atwood est une conteuse hors pair et son écriture est d’une limpidité magique. Malgré le vide de certaines pages, je me suis laissé bercer par la narration.
Fallait-il une suite à La Servante écarlate ? Fallait-il autant de pages ? La question mérite vraiment d’être posée. Ce qui est rassurant, c’est que la chute de la république de Galaad est imminente. On évitera donc très probablement La Servante écarlate 3.
GLOBALEMENT SIMPLE ooo J’AI AIME