Septembre 2019,
Le romancier Jean-Paul Dubois peut compter sur un noyau de lectrices et de lecteurs fidèles et enthousiastes. Je dois reconnaître qu’il écrit remarquablement bien. Son style, très maîtrisé sans en avoir l’air, conjugue nostalgie amère et humour noir. Il sait trouver les mots pour faire partager son émerveillement, son étonnement, son plaisir, son émotion ou son indignation, devant les beautés, les bizarreries ou les épreuves que les circonstances placent sur les chemins de ses personnages.
Affublé du long et curieux titre de Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, son dernier livre est consacré à la vie tristement banale d’un Franco-canadien de père danois et de mère toulousaine. Après un parcours itinérant, Paul s’est installé à Montréal, où pendant quelques années de bonheur, il a partagé l’existence de Winona, une Indienne Algonquine, épousée à la mode de chez elle. Ils vécurent heureux, mais n’eurent pas d’enfant, juste une chienne, Nouk.
L’auteur a rythmé sa narration en intercalant passé et présent. Le passé, ce sont les épisodes de la vie de Paul depuis son enfance. Le présent, c’est le pénitencier de Montréal, et pour être plus précis, la cellule que Paul partage avec Patrick, un motard membre du redoutable club des Hells Angels, un colosse fort en gueule dissimulant une âme sensible derrière la Harley Davidson tatouée sur son cou.
Quel méfait a bien pu commettre Paul, le gentil Paul, si serviable, si dévoué, pour être condamné à deux ans de prison ? On ne le saura qu’à la fin de la narration de son parcours. Toujours est-il que sa cohabitation très fraternelle avec le biker est l’occasion de pages truculentes aussi drôles que touchantes. C’est le meilleur du livre.
J’ai été moins séduit par les très longues pages qui retracent le parcours de son père, le pasteur Hansen, dont la foi, déjà malmenée par les dures réalités humaines, aura fini par s’écrouler, sapée par un espoir illusoire en des jeux d’argent aléatoires et inappropriés.
La suite est plus plaisante. Vous avez déjà compris que Paul est un être fondamentalement bienveillant, toujours prêt à se mettre en quatre pour les autres. Chargé de l’entretien d’un grand ensemble immobilier, il s’occupe de tout, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il est heureux quand tout fonctionne bien, quand tout le monde est content. C’est alors le cœur serein, qu’il peut survoler les forêts et les lacs du Québec, dans le petit Beaver piloté par Winona.
Dans son job, Paul est totalement autonome. Son dévouement, son perfectionnisme et son sens du devoir en font un gestionnaire modèle, tant que l’on respecte sa liberté d’action. Mais comme cela arrive quand un petit chef mesquin entre en jeu, tout s’enraye dès lors que l’on se met à vouloir le museler. Une spirale infernale s’enclenche. Les humiliations s’ajoutent aux injustices… avant que le malheur ne vienne de surcroît tout fracasser. Très émouvant ! Paul se soumet, jusqu’au jour où…
« Je suis un cimetière abhorré de la lune / Où comme des remords, se traînent de longs vers / Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers ». Ces vers de Baudelaire me sont venus, car Paul vit au milieu de ses morts les plus chers, son père, sa femme, sa chienne. Jean-Paul Dubois serait-il sujet au spleen ? La mort semble en tout cas l’obséder. Dans son précédent roman, le personnage principal, déjà prénommé Paul – la meilleure ou la pire partie de Jean-Paul ? – devait composer avec une famille dont les membres mettaient en compétition leurs tendances mortifères.
Revenons au titre, Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon. Il tranche avec la brièveté sobre et ouverte du titre du précédent opus, La succession. Je me suis interrogé sur le sens profond de ce titre à rallonge, sans trouver de quoi sortir des sentiers battus : il y aurait, dans le monde, des différences, des inégalités, des injustices ?… Quel scoop !... On a bien le droit de s’indigner. Mais cliché pour cliché, n’aurait-il pas été possible de trouver un intitulé plus court ?
GLOBALEMENT SIMPLE oooo J’AI AIME BEAUCOUP