Septembre 2019,
Romancier gratifié à plusieurs reprises de prix littéraires prestigieux, Laurent Gaudé est aussi dramaturge, poète et, de surcroît, moraliste. Il faut en avoir conscience avant de s’embarquer dans la lecture de Salina, car l’auteur a un style bien à lui, symbolique, emphatique, déclamatoire. Si l’on n’est pas préparé, l’on peut être dérouté, voire agacé.
L’histoire qu’il raconte se passe en un temps ancien, peut-être même très ancien, sans autre précision. Peu importe, retenons qu’il s’agit d’un temps où réalité, légendes et mythes se confondent. Le lieu où elle se déroule pourrait évoquer le Sahel, du côté du Sahara ; parfois on a plutôt l’impression d’être à proximité de l’Afrique subsaharienne, parfois encore d’être non loin de la Corne de l’Afrique… Peu importe, retenons qu’il s’agit d’une région symbolique de déserts de sable et de pierres, à courte distance de zones habitées plus hospitalières.
En dépit de ses indices africains, le livre est écrit comme une épopée de la mythologie grecque, à la gloire d’une héroïne tragique. Bannie dès sa naissance, Salina est recueillie et élevée non sans réticence dans le village des Djimba, une tribu locale, où elle sera considérée comme une étrangère porteuse de signes funestes, et dont elle sera bannie à deux reprises par le chef du village. Car Salina ne supportera pas les soumissions et les avanies qui s’imposent aux femmes de son temps. Elle protestera, se révoltera, ne voudra pas céder… en vain. Alors, conformément au destin qu’on lui prête, elle se vengera avec une détermination et une cruauté implacables, … ce qui ne lui apportera aucun apaisement. Il faudra qu’une rivale plus heureuse se montre bienveillante, pour que Salina comprenne enfin que la haine ne mène à rien, que seul le pardon apporte la paix.
Bon ! Quel est le message ? Il pourrait peut-être s’exprimer ainsi : il n’y a pas de victoire si définitive qu’elle justifie de plastronner, alors l’esprit de revanche ne doit pas obséder celui qui se croit vaincu… Ecoutez nos défaites !... Ça vous dit quelque chose ?
Le livre pourrait aussi être vu comme un conte moralisateur – Morale, morale, quand tu nous tiens ! – Après la mort de Salina dans son exil de poussière et de solitude, son troisième fils et seul survivant, Malaka, cherche un endroit pour l’ensevelir. Dans une ville inconnue où ses pas l’ont mené, chargé de la dépouille de sa mère, on lui explique que l’accès au cimetière implique une longue traversée nautique. Pour obtenir le droit de l’y enterrer, Malaka devra, pendant la traversée d’un Styx improbable, raconter la vie de Salina, en suscitant suffisamment d’intérêt et d’empathie de la part d’un tribunal invisible. C’est ainsi, par la narration de Malaka, que le lecteur prend connaissance du destin de Salina. On est libre d’y voir un hymne au dévouement filial
Dans une interview, Laurent Gaudé va plus loin, assumant la difficulté d’accès au sens profond de son œuvre. Il trouve qu’on ne se donne plus le temps de la réflexion, de la méditation, que devraient inspirer certains textes et certains actes. En l’occurrence, à l’instar de la population de la ville qui accueille la sépulture de Salina, il convient de s’intéresser à la destinée des étrangers, des personnes qui ne nous ne sont pas proches et qui viennent à nous. Il est aussi important de raconter la vie des gens qui viennent de mourir, car d’une certaine façon, cela permet de les garder en vie... Tout cela est un peu agaçant, voire ennuyeux.
J’ai pourtant été sensible à l’émotion portée par quelques passages du texte, lorsque la haine s’évapore, comme chassée par le pardon et par le sacrifice ; ou lorsque la férocité des hyènes cède devant la volonté de vivre d’un nourrisson.
Une lecture pour les inconditionnels de l’auteur.
GLOBALEMENT SIMPLE oo J’AI AIME… UN PEU