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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

La maison Golden, de Salman Rushdie

Publié le 9 Décembre 2018 par Alain Schmoll in Littérature, critique littéraire, romans, lecture

Décembre 2018, 

Salman Rushdie est un grand écrivain. En lisant Les enfants de Minuit et Le dernier soupir du Maure, j’avais été enthousiasmé par son talent de conteur, à même de donner vie à des personnages insolites, d’imaginer des aventures fantasmagoriques, et de les dérouler sur un ton flamboyant et symbolique où l’humour ne manque jamais. Rushdie est aussi un intellectuel courageux, qui n’a pas sa plume dans sa poche quand il s’agit de prendre position, et on se souvient de l’infâme fatwa qui lui avait été assignée pour son roman Les versets sataniques. Né en Inde, élevé en Grande-Bretagne, anobli par la Reine, Rushdie est aujourd'hui citoyen américain et vit à New-York.

 

Il m’a semblé que son dernier roman, La Maison Golden, avait reçu un accueil mi-figue mi-raisin. Cela m’a étonné. La meilleure façon de me faire une opinion était de le lire.

 

Il est vrai que les soixante premières pages (sur un total de quatre cents) sont un peu indigestes. Elles sont consacrées à la présentation des lieux et des principaux personnages. Pour te simplifier la tâche, lectrice, lecteur, je vais essayer de te donner les clés, car la suite vaut vraiment la peine.

 

Tout se passe aux Macdougal Sullivan Gardens, qu’on nomme tout simplement les Jardins. C’est un îlot de verdure dans Greenwich Village, au sud de Manhattan, entouré d’une vingtaine de maisons, accessible aux seuls résidents de ces maisons, parmi lesquelles celle où la famille Golden s’est établie. Un petit univers clos privilégié, où René, le narrateur, vit depuis qu’il est né.

 

Les Golden sont originaires de Bombay, qu’ils ont quittée pour New-York après les attentats islamistes ayant endeuillé la grande ville indienne en 2008. Néron, le chef de famille, est un homme âgé à l’abord inquiétant. Il est accompagné de ses trois fils, affublés de prénoms étranges, emblématiques de leur personnalité et prémonitoires de leur destinée. Pas de femme !... Pour l’instant !

 

René est un jeune assistant réalisateur vidéo. Il se met en tête de faire un film sur ces Golden, qui viennent de s’installer en face de ses fenêtres et qui l’intriguent. Il subodore que le père, Néron, cache de lourds et noirs secrets.

 

Au fil du roman qui s’étend sur huit ans, les Golden seront rattrapés par le passé de Néron, dans des péripéties foisonnantes, dramatiques et burlesques imaginées par René. Des péripéties inspirées par quatre femmes d’exception, dont une bimbo russe férocement manipulatrice. Des péripéties dans lesquelles René lui-même se laissera entraîner à jouer un rôle décisif.

 

Voilà une structure de roman très originale, où René est à la fois témoin, scénariste et acteur. Sans oublier qu’il est aussi le narrateur. Pour reprendre ses mots, il écrit une fiction qui a parfois la forme d’un documentaire, une fiction sur des hommes qui sont une fiction d’eux-mêmes. Finalement, René ne s’y retrouve plus trop entre ce qui est réel et ce qui est inventé. Mais toi, lectrice, lecteur, tu planeras au-dessus de tout cela avec jubilation, comprenant bien que tout est fiction.

 

Il n’empêche que La maison Golden délivre une intense critique de la société américaine actuelle, et au-delà, des sociétés occidentales en général – particulièrement de la nôtre, si j’en juge par l’actualité : prolifération de fake-news sur Internet, dénonciation des élites par le « peuple » inquiet de perdre ses repères, élucubrations sur l’identité et le genre, contorsions imposées par la bien-pensance pour ne pas stigmatiser les minorités,… ni ensuite les minorités internes aux minorités...

 

Dans ce roman à la fois tragique et divertissant, émaillé un peu lourdement de citations érudites littéraires, philosophiques et cinématographiques, Salman Rushdie ne dissimule rien de ses opinions. Le roman commence en janvier 2009 lors de l’investiture de Barack Obama, pour exploser huit ans plus tard, dans un monde ayant pris l’apparence d’une BD. A Gotham, Batwoman a été battue. Le clownesque Joker à la chevelure verte prend le pouvoir.

 

DIFFICILE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT

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