Novembre 2018,
Quand en 1927 il publie ce court roman de cent trente pages, Stefan Zweig vit une période de grande plénitude. Installé à Salzbourg avec femme et enfants, il est alors un écrivain prolifique, un auteur à succès, un conférencier très recherché, en pleine maîtrise de son talent. L’Autriche et le monde ne sont pas encore menacés par la montée du nazisme,.
Comme la plupart des romans et nouvelles de Zweig, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme est une fiction qui surprend par la finesse de ses analyses psychologiques et par la progressivité de son intensité dramatique.
Comment l’auteur amène-t-il son sujet ?
Les vacances semblaient se passer tranquillement dans ce petit hôtel de la Côte d’Azur, où séjourne le narrateur. Mais soudain, c’est le scandale. Une jeune mère de famille a plaqué son mari et ses deux petites filles pour s’enfuir avec un jeune homme rencontré la veille ! Une attitude incompréhensible pour les pensionnaires. Tous condamnent vertement la jeune femme, la taxant de légèreté, d’immoralité, de perfidie...
Agacé et choqué par les propos qu’il entend et qu’on qualifierait aujourd’hui de proprement machistes, le narrateur prend le contre-pied de l’opinion générale, et se met à défendre avec fougue la liberté pour une femme d’assumer un coup de foudre. Une position provocatrice pour l’époque !
Seule, une vieille dame anglaise (*), aux manières discrètes et distinguées, semble être à même de comprendre la réaction du narrateur. En fait, l’affaire lui rappelle une aventure qu’elle avait elle-même vécue une vingtaine d’années plus tôt, sans bien comprendre sur le moment les ressorts qui l’animaient, et qui l’avait conduite à un engrenage de comportements imprévisibles – shocking ! – ne lui ressemblant pas. Une rencontre un soir au Casino de Monte-Carlo et vingt-quatre heures qui auront marqué sa vie ! Le récit qu’elle en livre au narrateur constitue le cœur de l’ouvrage et a pour effet de la libérer d’un trouble qui pesait sur sa conscience.
De façon presque insensible, je me suis senti embarqué dans une intrigue captivante, aux rebondissements inattendus, emmenés par un texte français fluide et harmonieux, très agréable à lire, même s’il laisse transparaître un soupçon de structure grammaticale allemande.
Sigmund Freud avait souligné, dans cet ouvrage, la pertinence des observations psychologiques de son ami Stefan Zweig. Pour l’essentiel, ces observations ont trait aux joueurs addictifs et à leurs pathologies mentales et comportementales. Des compulsions infernales, qui peuvent s’avérer hélas irréversibles et fatales. Effroyable !
Touchants, par contraste, les sentiments confus éprouvés par une femme d’âge mûr, qui transgresse presque malgré elle les convenances de son monde. Risibles, les indignations bruyantes affichées par les bons bourgeois de l’hôtel, au début du roman lors de la disparition de la jeune femme, pour se persuader qu’une telle mésaventure ne pourrait en aucun cas leur arriver…
Voilà une histoire qui se lit d’une traite !
(*) : Cette dame n’est pas si vieille que cela, 67 ans ! L’auteur situe sa fiction au tout début du vingtième siècle. Les temps ont changé, gardez le moral !
FACILE ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT