Octobre 2017,
Les buveurs de lumière ! Vous en avez déjà rencontré, vous, des buveurs de lumière ? Moi jamais ! Pas plus qu’une cireuse de lune ou une femme-loup. Un taxidermiste ? J’aurais pu. Un(e) très jeune trans ? Aussi. Une ancienne star du porno ? Ma femme me surveille... En tout cas, ce sont de bien étranges personnages que Jenni Fagan nous invite à rencontrer, là-haut, à Clachen Fells.
Là-haut, oui. Tout en haut. A l’extrême nord de l’Ecosse. Presque le Grand Nord. Des lieux où faire provision de lumière s’avère nécessaire pour survivre, l’hiver, quand la nuit tombe en début d’après-midi et qu’il faut vivre dans l’obscurité jusqu’au lendemain en fin de matinée.
L’hiver justement. Celui qui arrive, en cette année 2020, s’annonce terrifiant, du point de vue climatique s’entend. Le pire depuis deux siècles... A moins que ce ne soit le dernier, l’ultime…
Réchauffement de la planète. Depuis qu’on en parle, ça devait finir par arriver ! Les calottes polaires fondent. Des masses considérables d’eau douce glacée déferlent à la surface des océans, entraînant une élévation générale du niveau des eaux et un refroidissement des contrées les plus proches. Perturbation climatique passagère, nouvelle ère glaciaire ou apocalypse ?
Partout en Europe et même au-delà, il fait très froid. Les températures continuent de baisser. Plusieurs mètres de neige recouvrent les terres qui n’ont pas été submergées par l’océan. Transports et déplacements impossibles. Réseaux hors service. Émeutes, pillages. Des morts par milliers.
A Clachen Fells, on regarde ou on écoute avec sérénité les informations qui parviennent – difficilement – du reste du monde. Ici aussi, il fait très froid. Et ça continue de baisser. -20°, -30°, -50°… Mais le grand froid, la neige, le gel, on a l’habitude et on s’organise. Poêle, bonnets, vêtements en plusieurs couches. Et aussi entr’aide, festivités, convivialité, whisky, gin… Et cures de lumière !
Pureté de la voûte céleste, où file une étoile parmi des milliers d’autres qui scintillent immobiles. Caprices de la lune, modulant à sa guise la blancheur des montagnes. Phénomènes lumineux qui n’existent nulle part ailleurs. Des parhélies multiplient les soleils par effet de halo. Des aurores boréales agitent dans le ciel leurs voiles lumineux allant du vert au pourpre.
On trouve, à Clachen Fells, une zone d’activités, un centre commercial, un Ikea, des écoles, des pubs, des gros 4x4 et même des femmes de fermiers prêtes à acheter des meubles de récup’ restaurés façon vintage. Une société comme partout, en somme.
C’est pourtant dans un parc à caravanes, que l’auteure, Jenni Fagan, a situé le cœur de son intrigue. Qui peut bien vivre dans une caravane sous un climat aussi rude ? Quel vent y amène Dylan, arrivé de Londres, où il était projectionniste dans un cinéma d’art et d’essai qui a mis la clé sous la porte ? Un géant barbu tatoué, orphelin de mère et de grand-mère, qui repart à zéro. Un gros nounours paumé, qui espère bien trouver un peu de chaleur chez sa voisine, Constance, et sa fille, Stella.
Séduisante et solide Constance, fidèle à ses deux amants, mais assumant seule sa route en femme libre. Une mère confrontée à un enjeu fondamental très délicat. Accompagner – juste accompagner ! – sa fille de douze ans, née dans un corps de garçon, dans la réussite de sa transition vers le genre féminin.
Des personnages auprès desquels j’ai passé un agréable et chaleureux moment de lecture, dans un environnement fascinant. Un roman qui ne plaira pas à tout le monde.
En fait, tout tient dans le prologue : quelques pages aussi joliment écrites que confuses à première lecture ; des pages devenues très claires quand on les reprend après voir terminé le livre. Un prologue en guise de conclusion, où je n’ai pas trouvé de clé convaincante ou déterminante.
DIFFICILE ooo J’AI AIME
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