Août 2017,
Authentique polar, La Daronne est un livre malicieux, original, et accessoirement, très politiquement incorrect.
C’est un polar, mais la narratrice et personnage principale, la curieusement nommée Patience Portefeux, n’a rien à voir avec Julie Lescaut, le juge Larrieu, ou une femme d’honneur. Fille d’un riche trafiquant international n’ayant jamais connu de problème de conscience, elle a vécu une enfance et une jeunesse dorées dont elle garde un souvenir nostalgique. Des circonstances funestes ayant mis fin à cette période de vaches grasses, Patience – drôle de nom, vraiment ! – s’est trouvée dans l’obligation de travailler pour survivre et élever ses deux filles, puis pour payer les lourdes factures mensuelles d’un EHPAD. Je dis bien un EHPAD, et non un EPHAD ou un EPAHD comme il est écrit dans le livre, puisqu’il s’agit – suivez les majuscules ! – d’un Etablissement où est Hébergée la Personne Agée Dépendante qu’est devenue sa vieille mère grabataire.
Pour dégoter un emploi, Patience disposait d’un atout majeur : sa maîtrise parfaite de la langue arabe. Elle pourra aussi compter sur une absence totale de scrupules, une singularité atavique, à n’en point douter, mais qui ne se révélera chez elle qu’après vingt-cinq ans de bons et loyaux services mal rémunérés en tant que traductrice-interprète judiciaire. Engagée alors par la police des stups, où personne ne comprend l’arabe, elle a pour missions de participer à l’interrogatoire des suspects et de traduire les conversations enregistrées sur écoutes téléphoniques. Un job qui lui ouvrira le champ de tous les possibles.
Prudence prend conscience qu’elle a toutes les cartes en main pour manipuler les petits malfrats originaires du Maghreb, d’autant plus que l’écoute téléphonique des trafiquants et des dealers est un gisement inépuisable d’informations, dans lesquelles il semble suffire de piocher pour s’en mettre plein les fouilles.
La Daronne n’est pas le premier roman policier d’Hannelore Cayre, qui exerce la profession d’avocate pénaliste. À ce titre, elle côtoie depuis des années le monde des petits délinquants, pour lesquels elle semble éprouver un mélange de mésestime et d’affection. Dans La Daronne, elle imagine des entourloupes savoureuses au nez et à la barbe de malfrats maghrébins – des machos et des crétins, semble-t-il ! –, sans éveiller de soupçons chez les flics – dans l’ensemble gentils mais lourdingues –. Nul doute qu’Hannelore Cayre a créé le personnage de Patience à son image et qu’elle s’est projetée avec jubilation dans ses tribulations de tatie arnaqueuse.
J’ai rigolé en lisant certaines assertions de la narratrice. Elles ne me choquent pas personnellement, ni dans leur à-propos, ni dans leur causticité, mais je n’aurais pas osé les émettre moi-même. Hors Coluche, disparu il y a plus de trente ans, rares sont ceux qui ont pu se permettre ce genre d’humour. Les cibles : les Arabes, surtout les loubards des banlieues, on l’a déjà compris ; les femmes juives anciennes déportées, un rôle tenu par sa mère ; les vieux des deux sexes, cantonnés dans ces mouroirs dénommés EHPAD (Vous vous en rappelez la signification, j’espère). Elle ne rate pas non plus une occasion de chambrer un fonctionnaire amorphe ou un magistrat imbu de son statut, pressé de rendre une justice expéditive pour ceux qui n’ont pas les moyens de se défendre.
Une syntaxe parfaite, des tournures empreintes d’humour, des phrases mâtinées d’argot et de mots arabes, tout cela m’a ramené des années en arrière lorsque, adolescent, je passais de San Antonio en San Antonio. Quant aux exploits inavouables de la Daronne, ils m’ont fait remonter encore plus loin, à ma lecture des aventures d’Arsène Lupin, et peut-être même – faudra que j’en parle à mon psy ! – à mon enthousiasme d’enfant lorsque Guignol rossait le gendarme.
Une histoire un peu loufoque, totalement immorale, très agréable à lire et qui m’a bien fait marrer.
FACILE oooo J’AI AIME BEAUCOUP