Juin 2017,
Dallas, 22 novembre 1963. C’est là-bas, aux alentours de cette date, que se situent les événements racontés dans L’affaire Rosenblatt. Une date qui aura aussi compté dans la destinée d’un certain John F. Kennedy, bien que lui-même n’ait pas la possibilité de s’en souvenir... Vous trouvez ce mot d’esprit déplacé ? Alors ne lisez pas ce livre, un presque chef d’œuvre d'humour noir et de mauvais goût, écrit par un presque inconnu nommé Joël Haroche.
Le titre fait bien évidemment penser à l’affaire Rosenberg, ce couple de New-Yorkais juifs communistes, accusés d’espionnage au profit de l’Union Soviétique, et qui, malgré leurs protestations d'innocence, furent exécutés sur la chaise électrique. Le 19 juin 1953.
19 juin 1953, c’est aussi la date de naissance du fils aîné des époux Rosenblatt. Il a donc dix ans au moment des faits dont il est le narrateur. La concordance de date, c’est pour lui comme si ses parents étaient la réincarnation spirituelle des Rosenberg... En complètement louftingues !
A l’instar de leurs presque homonymes, les Rosenblatt sont juifs, athées, d’origine russe, engagés dans les mouvements des droits civiques, sympathisants communistes et carrément admirateurs de Fidel Castro. Tout pour plaire dans le quartier chic de Dallas, Texas, où ils occupent la seule maison délabrée et où les résidents se situent plutôt dans la continuité des convictions sudistes les plus radicales. Une confrontation culturelle frontale. Ajoutons que les finances des Rosenblatt sont à sec alors que celles de leur voisinage nagent dans le pétrole… Une intégration locale difficile !
Papa, Julius Rosenblatt, est un avocat raté. Quelque peu parano, il a tendance à attribuer ses échecs à des complots d’anticastristes. En réalité, il a l'habitude de dormir quatorze heures par jour, ce qui ne facilite guère le développement de son cabinet. Il doit se contenter d’une clientèle de petits délinquants mexicains minables, incapables de payer ses honoraires, si ce n'est en nature : une portée de chihuahuas, par exemple, ou une palette de boîtes de corned-beef !… Un jour, il entreverra l'opportunité de défendre le plus grand criminel de l’époque, mais il s’y prendra comme un manche. Un coup à finir derrière les barreaux…. Le comble pour un as du barreau !
Dans la famille, ils sont tous cintrés. Maman, une intellectuelle darwinienne, est phobique au dernier degré et pourchasse microbes, bactéries et autres amibes. Grand’Pa, presque centenaire, aphasique, est toujours à la recherche – en mobilité réduite – de sa femme, la mère de Julius, une jeune danseuse qui s’est tirée il y a quarante ans. L’autre grand-père – famille Katzenellenbogen – vient de publier Les splendeurs de l'intestin, un ouvrage scientifique à la gloire d’un organe injustement déprécié alors qu’il pourrait être la preuve ultime de la non-existence de Dieu !...
Mais le plus délirant, c’est Nathan, le fils cadet, huit ans, un QI qui frôle les 180, hypermnésique et caractériel. Il est aussi atteint du symptôme de Gilles de la Tourette, ce qui l’amène à déclencher toutes sortes de catastrophes absurdes, comme en gueulant brusquement « bandes d’enculés ! » en plein dîner de shabbat.
Des scènes loufoques. Un nez rouge de clown en carton bouilli atterrissant avec sang et morve dans la soupe à la recette immuable depuis une arrière-arrière-grand-mère Katzenellenbogen. Une dinde de Thanksgiving, peut-être casher, peut-être laïque, qui finit par disparaître en passant à travers la fenêtre. Un pique-nique familial où Julius fait venir son meilleur pote et meilleur client, un freluquet nerveux qui répond au petit nom d’Ozzie, que les enfants surnomment Lucky Rabbit, et que sa femme Marina, une russe qu’il a ramenée d’Union Soviétique, appelle tendrement Lee-Lee-Darling. Un pote qui leur réserve bien des surprises !...
Car comme dans le poème récité à l’occasion de nombreuses obsèques et qui commence par « je suis juste passé dans la pièce d'à côté… », on vient juste de passer un mort dans la pièce d’à côté de celle où Nathan est en consultation de neurologie au Parland Memorial Hospital…
Avant de commencer la lecture, j’avais vu qu’il était mentionné après la dernière ligne : « New-York, novembre 1969 ». Inconsciemment, j’en avais déduit que le livre était l’adaptation française d’une œuvre américaine déjà ancienne. Je trouvais le texte remarquablement traduit… avant de prendre conscience de mon erreur d’interprétation. L’affaire Rosenblatt est le presque premier roman d’un Français et c’est presque génial. Presque ! Un peu compliqué d’appréhender du premier coup la chronologie des événements. Pas facile de prendre note de tous les détails… et pourtant ils comptent tous. Et le narrateur aurait pu dire... bien d’autres choses, en somme…
En prenant le temps qu’il faut, c’est un moment de lecture savoureux, inattendu, par moment hilarant.
GLOBALEMENT SIMPLE oooo J’AI AIME BEAUCOUP
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