Octobre 2016,
L’on connaît Vincent Van Gogh et les épisodes les plus spectaculaires de sa courte existence érigée improprement en légende d’artiste maudit. L’on sait généralement qu’il a passé les dernières semaines de sa vie à peindre à Auvers-sur-Oise et alentours, où il avait été accueilli pour une thérapie par le docteur Gachet, un amateur d’art éclairé.
C’est à Auvers que Van Gogh est mort, le 29 juillet 1890, à l’âge de trente-sept ans, des suites d’une blessure par balle à l’abdomen, qu’il a longtemps été convenu d’attribuer à une intention de mettre fin à ses jours. Cette version du suicide a toujours fait l’objet de controverses. Selon une hypothèse récente, il se serait agi d’un coup de pistolet survenu accidentellement lors d’une chamaillerie avec deux jeunes gens du coin.
Dans La valse des arbres et du ciel, l’auteur nous présente un tout autre scénario. Il installe une romance sentimentale sur les soixante-dix jours passés par Van Gogh à Auvers. Dans le rôle de l’amoureuse éperdue, Marguerite Gachet, la fille du docteur. Dans celui du séducteur, certes malgré lui, le grand, le génial Van Gogh... Un Van Gogh peu crédible. Marguerite prend d’ailleurs bien conscience que pour un tel artiste, une femme ne pèse pas lourd « face à des champs de blé, des meules de foin ou des toits de chaume ».
Imaginer une personnalité ayant existé dans une histoire de cœur fictive n’est pas une première pour Jean-Michel Guénassia. Il nous avait conté l’ultime amour de Che Guevara, alias Ernesto G, dans un roman de qualité, qui succédait à l’excellentissime Club des incorrigibles optimistes.
Fort de ces compliments, je n’ai aucun scrupule à afficher ma déception à la lecture de ce nouvel opus.
C’est Marguerite qui raconte tout. Elle a quatre-vingts ans quand elle évoque l’histoire, dix-neuf ans lorsqu’elle la vit. Et d’une page à l’autre, on ne sait pas très bien laquelle des deux s’exprime. Dans certains passages, j’ai bien ressenti l’écriture d’une femme qui regarde son aventure de jeunesse avec une émotion que le temps a permis de maîtriser. Dans d’autres, j’ai plutôt eu l’impression d’être plongé dans une bluette extraite de la fameuse collection H....
Peut-être était-ce la volonté de l’auteur de donner à la narration l’expression d’une jouvencelle de dix-neuf ans innocente et un peu cruche. Pour moi, ce n’est pas une réussite. Ces pages-là, longues et redondantes, m’ont agacé et ennuyé.
J’ai quand même relevé quelques très beaux textes, notamment lorsque Marguerite, approchant de Van Gogh en train de travailler dans la campagne, aperçoit pour la première fois sa peinture et se sent comme foudroyée : « Je suis passée mille fois devant ce paysage qui était pour moi semblable à mille autres vallons paisibles, mais ce que je vois n’est ni banal ni paisible, ce sont les blés et les arbres qui vibrent comme s’ils étaient vivants et passionnés de vivre, avec le vent qui les bouleverse, le jaune qui s’agite de partout et le vert qui tremble ». Cette phrase m’a remué et me remue encore car c’est tout à fait ce que je peux ressentir quand je contemple un Van Gogh.
Autre jolie séquence, celle où Van Gogh dicte sa pose au docteur Gachet avant d’en réaliser le fameux portrait, coiffé d’une casquette, l’air rêveur, la joue appuyée sur la main.
Une dernière chose : je trouve très beau le titre, La valse des arbres et du ciel. Prononcez-le à haute voix, avec ses trois accentuations toniques naturelles... Assez musical, n’est-ce pas ? Dommage qu’il y ait un pluriel et sa liaison ; cela empêche les trois syllabes d’être rythmées sur trois temps...
... Laisse aller !... c’est pas une valse...
- FACILE oo J’AI AIME… UN PEU