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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Otages intimes, de Jeanne Benameur

Publié le 13 Septembre 2016 par Alain Schmoll

Otages Intimes par Benameur

Septembre 2016,

Après avoir été retenu en otage dans une zone de conflits violents, un photographe de guerre est libéré et ramené en France...

... Une fois cette phrase écrite, je me suis retrouvé face à mon désappointement à la lecture de ce livre et à ma difficulté à en rédiger une critique.

Le retour d’Etienne, photographe de guerre, ex-otage, est pourtant bien l’élément clé, le fait moteur d’Otages intimes. Je m’attendais alors à un contexte inspiré d’événements ayant marqué l’actualité ces dernières années, porteurs d’émotion, d’empathie, de colère... De péripéties ayant fixé notre attention et excité notre curiosité : reportages, témoignages, débats, conjectures, déclarations, indiscrétions, révélations, attentes, coups de théâtre... Quoi de plus romanesque, même si cela touche souvent au tragique !...

Rien de cela dans Otages intimes. L’auteure nous emmène sur un tout autre terrain. Le retour d’Etienne est l’occasion de nous plonger (trop) longuement dans les pensées et les états d’âme intimes de ses proches ; Irène, sa vieille maman – qui a autrefois été jeune ! – ; Enzo et Jofranka, ses amis de toujours. Evocations douces amères du temps de l’enfance, au village. Piano, violoncelle et flûte. Les bons moments et les moins bons. L’adolescence qui change la donne et qui structure les parcours ultérieurs. « Amitié, fraternité, amour... tout est si mêlé », constate l’un d’eux. Cela engage chacun, cela enferme chacun. Otage intime ? En quelque sorte, oui.

Dans son travail sur lui-même, Etienne n’occulte rien, ni la terreur animale où il avait été réduit, ni les horreurs dont il avait été témoin, ni la conscience que ces horreurs se prolongent là-bas, loin du calme du petit village, des odeurs de sa forêt, de la fraîcheur de son petit torrent… Du classique...

Sur les mécanismes de la mémoire, c’est plus intéressant.

La musique. Pendant sa captivité, Etienne s’efforçait de se remémorer mentalement la partition d’un trio de Weber, qu’il avait joué jadis avec Enzo et Jofranka. A son retour, sitôt les premières notes sur son piano, les murs délabrés de sa cellule lui apparaissent dans tous leurs détails… Proustien !

Et il y a ce que j’appellerai « le hors-champ ». Sur les lieux en guerre qu’Étienne a parcourus parce que c’est son métier, son œil a parfois saisi des scènes non photographiées. Ainsi le regard d’une femme, avec deux enfants, chargeant des bouteilles d’eau dans une voiture, comme pour fuir. Ainsi dans un quartier bombardé, l’appartement et le piano miraculeusement préservés d’un vieil homme qui lui demande de jouer...

Ces scènes vécues ou simplement aperçues interpellent la mémoire d’Etienne bien plus que des photographies. Il ne peut s’empêcher d’en imaginer le prolongement, la suite, le dénouement. Les mots lui deviennent alors indispensables. Pour les prononcer, pour écrire une histoire, pour la faire lire... Une évolution ?

J’avais cru voir comme une idée. Je me suis peut-être trompé. Ou bien je n'ai rien compris. Après un pas en avant vers la littérature, Etienne fait deux pas en arrière. Pour finalement, revenir à la photographie. Avec l’intention de fixer la vie, de nourrir l’espérance...

L’écriture de Jeanne Benameur est impressionnante de justesse. Elle sait trouver les mots et les formulations adaptées aux émotions qu’elle veut provoquer. Mais dans cet ouvrage qui se présente comme une narration intégrale, les tendances au lyrisme finissent par tourner à l’emphase.

Vous aurez compris que je ne me joins pas au concert de louanges dithyrambiques qui ont accompagné la publication de ce livre.

  •  DIFFICILE     oo   J’AI AIME… UN PEU
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