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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Ecoutez nos défaites, de Laurent Gaudé

Publié le 23 Septembre 2016 par Alain Schmoll

Ecoutez nos défaites

Septembre 2016,

Écoutez nos défaites est un livre sombre et complexe. La structure et le sens n’en apparaissent pas clairement. Il s’avère toutefois plutôt agréable à lire.

Est-ce un roman ? C’est plus compliqué que cela. Il y a bien au cœur de l’ouvrage une intrigue imaginée par l’auteur. Cette fiction, contemporaine, est accompagnée par trois récits historiques totalement indépendants, déroulés en parallèle.

Sur un fond d’actualités – guerre contre Al Qaïda et contre Daech – Laurent Gaudé croise le destin de deux personnages : Assem, un Français, agent des forces spéciales, et Mariam, une Irakienne, archéologue.

Assem enchaîne depuis dix ans les opérations clandestines périlleuses. La République lui assigne toujours de nouveaux ennemis à traquer, à « neutraliser », sans qu’il sache si, au final, elle s’en est trouvé victorieuse ou pas. Combien de temps supportera-t-il encore l’inanité de ce mode de vie ?

Mariam a travaillé à reconstituer les collections du musée de Bagdad pillé dix ans plus tôt. Un succès effacé par les destructions en cours à Mossoul et à Palmyre. Elle vient de surmonter une peine sentimentale et maintenant, c’est contre la maladie qu’elle doit lutter... Seule ?...

Aucune chance de victoire. La vie nous impose toujours de nouveaux combats personnels à mener. Jusqu’au renoncement, à l’anéantissement. C’est l’un des messages que Laurent Gaudé tente de nous faire passer...

Dans l’Histoire, pas de véritable victoire non plus. Ni dans la guerre. Peut-on parler de victoire quand des dizaines de milliers de vies humaines ont été sordidement sacrifiées à une cause, à une ambition personnelle ? D’ailleurs, peut-on jamais déterminer qui est vraiment vainqueur, qui est vraiment vaincu ?

Pour illustrer la démonstration, Laurent Gaudé s’appuie sur les trois récits historiques. Très documentés, ils mettent en scène trois chefs de guerre peu regardants sur les pertes humaines : Hannibal, le général carthaginois ennemi de Rome ; Ulysse Grant, le général commandant les armées nordistes pendant la Guerre de Sécession ; et Haïlé Sélassié, le Négus, empereur d’Ethiopie, retrouvant son trône anachronique quelques années après que son armée a été balayé par l’Italie de Mussolini.

L’Histoire délivre des verdicts. Elle choisit ceux qui accèderont au rang de héros et ceux qui tomberont dans l’oubli. A Hannibal, vaincu, elle accordera l’aura d’un chef de guerre mythique. Grant, vainqueur, restera à jamais « le boucher », un dépressif et un ivrogne. Qui se souvient qu’il a été Président des Etats-Unis ?

Reste un dernier personnage, un militaire américain en rupture de ban. Il se fait appeler Job, car il a été confronté au Mal et à la souffrance. Impliqué dans un effroyable « dommage collatéral » en Afghanistan, il a réchappé miraculeusement au lynchage. Rétabli de ses blessures, il a disparu. Ses chefs s’inquiètent. Ferait-il du trafic de reliques ?... Non pas de vestiges artistiques ou d’objets anciens ; de reliques !...  Chargé de le retrouver, Assem cherche à comprendre. Job avait été présent à Abbottabad... Assem, lui, avait été présent à Syrte quelques semaines plus tard. Ça crée des liens... Pourquoi ?... Cherchez du côté de Ben Laden et de Kadhafi... Où en sont nos victoires ?

Certains passages sont merveilleusement écrits. C’est le cas du premier chapitre, où l’auteur laisse Assem et Mariam se raconter eux-mêmes. Pourquoi Laurent Gaudé reprend-il ensuite la narration pour lui seul ? Pourquoi ce ton souvent emphatique ? Pourquoi tant user de phrases interrogatives et d’anaphores (comme je suis en train de le faire moi-même...) ? Cela rend par moment la lecture pesante, irritante.

Faut-il se résigner à écouter et à réécouter nos défaites ? Sommes-nous vraiment impuissants face à la barbarie ? Des réalités fortes nous restent ouvertes : le plaisir, l’art, la culture. Inspirons-nous de Mariam et Assem ; contemplons le bleu du ciel et de la Méditerranée, savourons les jouissances que nous offre la vie, comme nous y invitent pour l’éternité le poète grec Cavafy et la divinité égyptienne Bès.

  • DIFFICILE     ooo   J’AI AIME
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