Août 2016,
Le Bouc, c’est Rafael Leónidas Trujillo, maître tout-puissant de la République Dominicaine de 1930 à 1961. Un bail au cours duquel il aura mis l’économie du pays en coupes réglées au profit des siens. Sa dictature s’appuie sur un incroyable culte de la personnalité. La capitale, Saint-Domingue, est rebaptisée Ciudad Trujillo. Lui-même est le Généralissime, le Bienfaiteur, le Père de la Patrie, ou tout simplement pour son entourage, « le Chef ». Il n’admet pas la moindre contestation et n’hésitera jamais à utiliser l’armée, la police et les services secrets pour éliminer ceux qui pourraient se mettre en travers de ses projets ou de ses intérêts. La responsabilité de Trujillo sera ainsi engagée dans l’enlèvement, la mort, la torture ou la disparition de plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Le Bouc !... Pourquoi cette référence à un animal qui symbolise le satanisme et la fornication ?
C’est à Urania qu’il faut poser la question !... Elle revient pour la première fois à Saint-Domingue trente-cinq ans après avoir quitté précipitamment le pays à l’âge de quatorze ans, quelques jours avant la fin de l’ère Trujillo. Elle a un compte à régler avec son père – un ancien ministre proche du « Chef » – aujourd'hui âgé, impotent et dans la misère. Après quelques pages, pas nécessaire d’être grand clerc pour imaginer ce qui s’était passé. Le dernier chapitre en révèlera les détails, à en avoir la nausée...
Urania n’est pas le personnage principal du livre ; elle en est l’unique personnage fictif. Tous les autres ont réellement existé. A travers eux, Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature, raconte par le menu les derniers jours du régime trujilliste. Autour des faits historiques minutieusement reconstitués, il s’introduit dans la mémoire et la conscience de chacun des protagonistes, remémore leur parcours, imagine leurs réflexions, leurs états d’âme, leurs inquiétudes... retrace leur destinée... Plusieurs récits s’entremêlent ainsi, dans des chronologies indépendantes. Il arrive aussi à l’auteur de raconter plusieurs fois un même événement, vu sous des angles différents.
Au commencement est le Chef, son Excellence Rafael Trujillo ! Une prestance imposante, un regard que personne ne peut soutenir, une voix étonnamment aiguë. A soixante-dix ans, l’esprit clair et lucide, à peine perturbé par sa paranoïa et ses obsessions de performance sexuelle, Trujillo maîtrise parfaitement l’exercice du pouvoir et son emprise sur ceux qui l’entourent. Il les fascine, les tétanise et les manipule comme des marionnettes, en jouant habilement de leurs faiblesses. S’il l’estime nécessaire, il condamne... Définitivement, sans hésitation ni remords. Droits de l’homme ? Connaît pas...
Ils ont beau être ministres, généraux ou conseillers spéciaux, tous perdent leurs moyens en présence du Chef. Ils dégoulinent – de sueur, oui, parce qu’il fait chaud ! – mais surtout de trouille, de lâcheté et de flagornerie. N’empêche que, dans leurs fonctions, ils se montrent efficaces, cruels et sans scrupules. Trujillo est un meneur d’hommes ; il sait déceler et rallier à lui les talents qui peuvent le servir !
D’autres luttent. Un soir, au crépuscule, quatre hommes armés sont assis dans une puissante voiture arrêtée tous feux éteints au bord de la route. Ils guettent le passage de la Chevrolet Bel-Air conduisant le Chef à l’un de ses habituels rendez-vous galants. L’attente est interminable. Le doute s’installe. Viendra-t il ? N’ont-ils pas été dénoncés ? Chacun vit à sa manière cet instant que tous espèrent historique. Vont-ils enfin mettre fin à un régime qu’ils exècrent ?... Et s’ils échouent, quelles conséquences pour eux et leurs familles ?...
Il faut dire que lorsqu’on tombe aux mains du redouté SIM (Service d’Intelligence Militaire), les tortures et les supplices peuvent être abominables. Je n’ai pas aimé les pages qui s’étendent longuement sur des scènes barbares atroces. Quelle est leur justification ? Tendance de l’auteur au sadisme ou exigence marketing de l’éditeur ?
Quelques passages longs et ennuyeux. Je me suis parfois perdu dans les parcours des protagonistes et leurs rapports avec leurs proches. Que de monde ! Ne pas hésiter à tourner les pages rapidement, sans perdre de temps sur des détails anecdotiques n’ayant pas beaucoup d’intérêt vus d’où nous sommes, si loin dans l’espace et dans le temps.
Mais globalement, La fête au Bouc, dont la première publication date de 2000, est un roman historique qui se lit comme un bon thriller.
- GLOBALEMENT SIMPLE ooo J’AI AIME