Mars 2016,
Saga, roman de Tony Benacquista, aura attendu des années dans ma bibliothèque que des circonstances m'incitent à le lire. Il m'a offert un très agréable moment de lecture.
L'intrigue de base de l'ouvrage se situe dans le monde de l'audiovisuel ; écrite il y a près de 20 ans, elle n'est en rien démodée. Aux seules fins de satisfaire à des quotas de création française, quatre scribouillards miteux sont recrutés pour écrire les scénarios d'une série télé de quatre-vingt épisodes, baptisée Saga, à diffuser au plus profond de la nuit. Mot d'ordre du producteur : écrivez n'importe quoi, personne ne regardera... Contre toute attente, un noyau de public germe, gonfle, enfle... Des passionnés font pression sur la chaîne et sur la production, les horaires évoluent vers le prime time, Saga devient un énorme succès populaire ; et même national !...
La cocasserie des situations flatte nos sens les plus élémentaires et embarque les rieurs. Aucune raison de bouder son plaisir, d'autant que les scénarios présentés sont imaginatifs, inattendus, parfois subtils. Le système de coworking très amical et solidaire dans lequel sont immergés les quatre scénaristes fait éclore leurs talents, jusqu'au moment où frappés à leur tour d'hubris et de péché de vanité, ils déclencheront un scandale hallucinant.
Au delà de cet imbroglio qui pourrait sembler rebattu, le roman ne manque pas de profondeur. Ses péripéties reprennent le mythe de la machine qui échappe à l'homme pour devenir infernale, sa morale s'appuie très concrètement sur la symbolique du boomerang et sa portée met en exergue l'incroyable force d'évocation de l'écrit, du scénario.
Je constate en effet qu'il suffit de quelques lignes écrites d'un avant-projet de scénario, pour donner instantanément réalité et sens à des personnages et à leurs actes, avec une expressivité qui ne manque pas d'éveiller ma sensibilité de lecteur. Cela me fait penser à je ne sais plus quel roman de Paul Auster, où les mots d'un personnage fictif lui permettent d'arracher à l'auteur le contrôle de la fiction... Au commencement était le Verbe, me rappellerez-vous !
Au commencement de Saga, on est dans un polar ; il y a un meurtre. L'auteur ne nous incite pas particulièrement à rechercher le coupable, mais il finit par le dévoiler dans les dernières pages, bien des mots plus tard.
Saga est un roman enlevé, amusant, plein de trouvailles et de rebondissements. Un roman joyeux, aussi ; c'est avec gaité que j'ai accompagné les parcours heureux des quatre scribouillards du début. On voit bien que le romancier est aussi, et surtout, un excellent scénariste.
D'ailleurs, où le pouvoir du scénariste s'arrête-t-il ? Le monde ne marcherait il pas mieux si les affaires diplomatiques mondiales lui étaient confiées ?... Après tout, si Dieu renonce à s'en charger ...
FACILE oooo J’AI AIME BEAUCOUP