Février 2016
Véritable best-seller lors de sa parution il y a une trentaine d'année, Le parfum est considéré comme l'un des meilleurs romans de sa génération. L'histoire qu'il raconte est tellement originale et captivante, qu'à l'époque, je l'avais lu d'une traite, comme un thriller, emporté à chaque page par l'envie irrésistible de découvrir la suivante. Libéré de cette frénésie lors de ma relecture, je me suis laissé prendre au charme envoûtant de ce livre sensationnel… – un qualificatif que j'emploie au sens propre...
Dans Le parfum, mélange de fresque sociale et de fiction fantastique, tout commence et finit en effet par des odeurs. Elles marquent et différencient tout ce qui existe physiquement : la nature, les hommes, les objets ... Elles reflètent et submergent l'immatériel : les sentiments, les bruits, les pulsions... Et ça ne sent pas toujours la rose ; il est plus souvent question de puanteurs écœurantes et de remugles peu ragoûtants, que de suaves fragrances.
Le personnage principal, Jean-Baptiste Grenouille, dispose d'un odorat hyper-développé qui lui sert de sens principal dans sa perception du monde, une fonction qui, chez l'homme du commun, est dévolue à la vue et à l'ouïe. Pourquoi pas ! Les parfums, les couleurs et les sons se répondent, écrivait Baudelaire. Cette sensibilité sensorielle exceptionnelle va porter naturellement Grenouille à s'intéresser aux métiers d'élaboration des parfums.
Mais il reste en marge. C'est un être totalement déshérité, tant par la nature que par le contexte social dans lequel il évolue. Ses disgrâces physiques, ses carences mentales et ses handicaps comportementaux le condamnent à une forme d'isolement dans une vie misérable et asservie. Étranger à toute conviction, il n'éprouve de sentiment pour personne, car seules les odeurs lui parlent, si j'ose dire. Et justement, celles de ses congénères lui répugnent. A l'inverse, lui-même ne dégage aucune odeur personnelle, une malédiction supplémentaire qui le rend inexistant aux yeux, ou plutôt aux nez des autres.
En quête d'un sens à sa vie, il entrevoit la confection d'un parfum sublime ; un arôme subtil, le bouquet parfait, qui, quand il s'en aspergerait, susciterait l'amour, le respect et l'admiration des autres... Oui, mais où en trouver les ingrédients de base ? Apparemment, pas d'autre terreau que le corps de jeunes filles vierges très belles !... Au fait, le titre complet du roman est : Le parfum, histoire d'un meurtrier...
Une sensibilité perceptive exacerbée, le sentiment douloureux d'être différent et incompris, la volonté irrépressible de s'exprimer à sa façon propre : ne seraient-ce pas des caractéristiques déterminantes de l'artiste, du créateur ?... Et ce serait aussi celles du serial killer ! Observation préoccupante ! Reste la conscience du Bien et du Mal... Affaire aussi de circonstances : le peintre n'a nullement besoin d'ôter la vie à ses modèles...
Un mot sur l'écriture, très particulière, inspirée de la syntaxe de l'allemand, langue originale du roman : rigueur grammaticale sans faille, locutions claires et précises qu'on imagine traduites de mots composés allemands ; cela donne une narration au phrasé rythmé, à la tonalité égale, uniforme, sans être pour autant monotone, car il s'y révèle un fond d'humour décalé réjouissant, même dans les passages les plus sordides et les plus effroyables.
GLOBALEMENT SIMPLE ooooo J’AI AIME PASSIONNEMENT