Octobre 2015
Un livre très original, que j'ai trouvé captivant, drôle, intéressant, ...mais par moment ennuyeux lors de quelques passages trop longs et hermétiques.
A la différence de ma précédente lecture (Le bruit et la fureur, de W. Faulkner), j'ai lu La septième fonction du langage, de Laurent Binet, sans préparation, sans en rien connaître, si ce n'est que l'ouvrage rencontrait un vrai succès d'estime, qu'il avait obtenu le prix du roman Fnac 2015 et qu'il était en piste pour des grands prix littéraires de cet automne.
Pendant ma lecture, je me suis longuement interrogé : ce livre est-il une enquête sur un fait divers, un recueil de débats linguistico-rhétoriques, un essai politique, une farce bouffonne, un roman d'espionnage, un polar, un pastiche de polar, un faux polar, un vrai-faux polar ?...
Tout part de la mort accidentelle, en 1980, de Roland Barthes, sommité de la linguistique et de la sémiologie, figure emblématique de la pensée intellectuelle et littéraire. L'auteur transforme l’accident en meurtre, avec pour mobile la possession d'un document secret dévoilant un mode d'expression orale ouvrant l'accès au pouvoir absolu.
Il s'agit donc d'un polar, empreint d'une coloration mi-burlesque, mi-intello. L'originalité plaisante de l'ouvrage, une fiction, est que les protagonistes en sont majoritairement des personnages réels. Des figures intellectuelles de 1980, avec leurs foucades : Foucault, Derrida, Althusser, Umberto Eco, et surtout Sollers, halluciné et délirant dans un rôle central, accompagné de son épouse Kristeva, d'orrrigine bulgarrre, sombre et machiavélique. Et dans des passages jubilatoires, les stars politiques de l'époque, Giscard et Mitterrand, entourés de leurs fidèles, déjà prêts à toutes les turpitudes un an avant le débat télévisé décisif qui précédera de quelques jours le vote pour l'élection présidentielle.
C'est très amusant de retrouver le paysage de 1980 : PPDA et le journal d'Antenne 2, les étudiants chevelus noyautant les facs, Borg dominant le tennis mondial ; et surtout la cigarette ! On avait presque oublié, tout le monde fumait partout et tout le temps, même en avion. Rappel aussi de faits d'actualité marquants : le parapluie bulgare, cocasse, et beaucoup plus tragique, l'attentat de la gare de Bologne.
Moins plaisants, à mon goût, car inaccessibles (pour moi), les trop longs développements sur la linguistique, la sémiologie la rhétorique, la dialectique, au cours de discussions et de conférences de spécialistes dont les noms me sont inconnus. Lassantes aussi les joutes oratoires répétitives du Logos Club. Et je n'ai pas non plus aimé les interminables et déjantées scènes d'orgies.
A la fin du livre, le héros de l'histoire, personnage fictif, s'interroge sur son propre être : est-il réel ou fait-il partie d’un roman ? Son sort est-il prédéterminé par un romancier ou est-il maître de son destin ? Figure de style certes imaginative, mais qui n'apporte rien à l'ouvrage qui en compte déjà beaucoup. Pourquoi ne pas l'avoir gardée pour une prochaine œuvre ?
Moi aussi, mon imagination a gambadé. Signes et symboles étant affaire d’interprétation personnelle, sachez que j'ai souvent pensé à Tintin : deux moustachus à parapluie, au début, qui ressemblent aux Dupond-Dupont ; des étrangers louches qui rrroulent les rrr comme des Syldaves et des Bordurrres ; et quand j'ai lu "anacoluthe, catachrèse, enthymème..." (section 85), j'ai cru voir une bulle d'insultes proférées par le capitaine Haddock...
DIFFICILE oooo J’AI AIME BEAUCOUP