Juillet 2015
Ce roman a obtenu le prix Pulitzer 2015 de la fiction. C'est un gage d’une qualité littéraire tout à fait méritée car l'ouvrage est remarquablement construit et écrit. Cela n'empêche pas Toute la lumière que nous ne pouvons voir et ses 600 pages d'être aussi facile à lire qu'un best-seller estival et aussi palpitant qu'un thriller.
De très courts chapitres s'enchaînent pour suivre, alternativement et presque en simultané, la vie de Marie-Laure, une jeune parisienne aveugle, et celle de Werner, un jeune allemand orphelin, entre 1934 et 1944. Leurs parcours sont tracés inexorablement par l'Histoire.
Pour Marie-Laure, c'est la drôle de guerre, l'exode, puis la vie sous l'Occupation à Saint-Malo où son père a de la famille. C'est aussi la Résistance par le biais d'un vieil émetteur radio retrouvé dans le grenier secret de la maison familiale.
Werner suit la formation des jeunes nazis : embrigadement, culte du chef et du sacrifice, éradication de la sensibilité et de la conscience. Passionné par les radio-transmissions, il fait partie d'une unité de détection d'émetteurs clandestins qui sillonne l'Europe.
L'unité de Werner est envoyée en Bretagne à l'été 1944, juste avant les bombardements alliés qui conduiront à la libération de Saint-Malo, bombardements destructeurs et meurtriers qui sont décrits en contrepoint tout au long du roman.
Marie-Laure et Werner se rencontrent-ils ? Dans un roman comme celui-ci, construit pour captiver le lecteur, on a forcément la conviction que la rencontre se produira, qu'elle est prédéterminée, logique, que les parcours personnels des deux jeunes gens les mèneront inéluctablement à se croiser. C’est tout le talent du romancier de nous conduire à cette conviction. Dans la vraie vie, ça fonctionne dans l’autre sens : on rencontre tous les jours des tas de gens, fortuitement. Ils sont juste au même endroit que nous au même moment ; avant et après ce moment, ils ont leur propre parcours, lequel parcours n'a d'intérêt pour nous que parce qu'il y a eu rencontre.
Tout le roman est conjugué au présent ; cela donne le sentiment de vivre en direct les évènements et la vie quotidienne des personnages. Au début, avant la guerre, pendant l'enfance de Marie-Laure et de Werner, les phrases sont courtes, très simples – sujet, verbe, complément – ; presque de la littérature pour enfants. Au fur et à mesure de l'histoire et de son développement tragique, les phrases s'allongent, les tournures gagnent en complexité, le rythme de l’écriture s'accélère dans un crescendo qui aura nourri ma tension de lecteur jusqu'au dénouement.
Dénouement qui n'est pas la fin du roman. Comme dans les histoires vécues, l'auteur met en scène les survivants, 30 ans, 70 ans plus tard. La vie a continué, les blessures ont cicatrisé ; les questions sans réponse le restent, pour toujours.
Ma tension retrouve son niveau normal, je lis les dernières pages avec sérénité, tranquillement. Quand je referme le livre, je me dis que j'ai passé un bon moment.
Quelques jolis passages. Je garde celui-ci :
Le clair de lune reluit et ondule ; les nuages brisés défilent au dessus des arbres. Partout volent des feuilles. Mais le clair de lune n'est pas agité par le vent ; ses rayons, ou ce qui y ressemble, transpercent les nuages, l'air ! Ils restent suspendus au dessus de l'herbe qui se déforme.
Pourquoi le vent ne fait-il pas bouger la lumière ?
FACILE oooo J’AI AIME BEAUCOUP