Juin 2015
Ce livre sort du commun à tous égards, à commencer par son titre, l'amour et les forêts, qui ne laisse rien entrevoir du contenu, et aussi par le nom de l'héroïne, Bénédicte Ombredanne, dont la probabilité de rencontrer un jour un homonyme est quasi nulle. C'est un livre très exigeant pour le lecteur. L'écriture est superbe, variée, tour à tour flamboyante et touffue ...comme les forêts. Il est en effet difficile de se situer, de suivre un chemin, de garder des repères, quand des pages se suivent, compactes, sans alinéa, mêlant sans transition d'une phrase à la suivante, le fil de l'histoire avec l'évocation d'événements passés, l'observation de détails anecdotiques ou l'expression de sentiments personnels, sans qu'on sache si ces observations ou ces expressions sont celles du personnage principal ou de l'auteur. Car l'auteur se met en scène dans la fiction en tant que lui même, auteur, face à ses personnages, un peu comme les peintres dans les tableaux les représentant dans un miroir avec leurs modèles.
Le premier chapitre nous plonge à froid dans un texte dense, obscur et savamment désordonné. Il m'a fallu beaucoup de concentration. Je me suis demandé si je serais capable de tenir 350 pages. Rupture totale de style pour le deuxième chapitre, consistant pour une grande part en échanges rythmés et facétieux de mails sur un site de rencontre. Ça m'a surpris, amusé et détendu pour la suite de ma lecture.
On entre ensuite dans le cœur de l'histoire. En quoi consiste-t-elle ? D'un moment particulier dans la vie de Bénédicte Ombredanne, femme harcelée moralement par son mari ; un moment qu'elle a raconté à l'auteur, tel qu'elle l'a vécu, ou imaginé, ou rêvé, ou les trois à la fois. Le texte écrit très travaillé s'enrichit harmonieusement de l'insertion directe de dialogues, de réflexions, ainsi que des questionnements et imprécations paranoïaques du mari. C'est assez envoutant. Et fascinant est l'état psychologique de cette femme, structurée, brillante, qui se laisse humilier au quotidien par un mari médiocre et étriqué. Elle le domine, ne l'aime pas. Elle pourrait l'anéantir d'une pichenette, elle le sait, elle sait que ce serait son salut ; et elle ne le fait pas.
Au dernier chapitre, apparait un nouveau personnage, inattendu. On découvre alors des éléments qui avaient été occultés par Bénédicte Ombredanne, des éléments éclairant de façon objective son personnage. Dans ces pages, moins originales et moins inattendues, on n'est plus dans la subjectivité poétique des chapitres précédents. L'histoire perd en magie ce qu'elle trouve en cohérence. Dommage de terminer sur ce decrescendo.
- TRES DIFFICILE ooo J’AI AIME